Évolution de la situation du logement sur l’agglo d’Angers de 2013 à aujourd’hui

Nous avions fait le point dans notre article publié en octobre 2016 : « Veut-on se donner les moyens de loger les familles pauvres sur Angers »

Dans la période 2013-2017 le marché locatif était très détendu : il y avait en moyenne environ 5.000 logements vacants à louer qui ne trouvaient pas preneur – 1.500 HLM et 3.500 privés

Cela a généré une amélioration des logements à louer par les bailleurs, et une stabilité et même une baisse des loyers et des prix de l’immobilier pendant cette période.

Au vu de cette situation, l’État a décidé que l’agglo ne bénéficierait plus des incitations fiscales Pinel pour l’investissement dans le neuf à partir de 2018, ce qui a beaucoup préoccupé la ville d’Angers.

Courant 2018, la situation du logement s’est complètement inversée, et à la rentrée universitaire de septembre il n’y avait presque plus de logements libres à la location. Comment expliquer cela ?

Il y a bien eu un facteur déclenchant, l’arrivée de 3.000 nouveaux étudiants sur le campus d’Angers en septembre/octobre 2018.

Mais les décisions politiques de l’Agglomération et de plusieurs de ses principales communes ces dernières années ont aussi contribué fortement à cette pénurie de logements aujourd’hui, par exemple : 

  • Dès 2014, volonté assumée de développer une offre HLM sur les communes de la deuxième couronne de l’agglo qui puisse loger des ménages très modestes (Cf Ouest-France de la semaine passée)
  • Plusieurs programmes de construction de logements destinés aux plus modestes ont été supprimés (exemple pavillons financés en PLAI – prêt locatif aidé d’insertion de la caisse des dépôts- à proximité du vélodrome) 
  • Une municipalité de l’agglo a affirmé en 2018 sa volonté de n’attribuer un logement HLM qu’aux ménages ayant un travail
  • Une autre municipalité a préservé sa commune pendant des années en refusant de loger des ménages en difficulté.
  • Décision il y a quelques années d’une autre commune de démolir environ cent logements vacants bon marché et en bon état. De nouvelles constructions ont vu le jour, mais ne sont pas accessibles aux plus modestes.
  • Plus de 200 chambres de FJT – Foyer de Jeunes Travailleurs – ont été fermées à l’occasion de la liquidation d’un organisme FJT en 2015 et la mairie d’Angers a refusé de les utiliser pour héberger ou loger des personnes en difficulté au motif que ces chambres étaient situées dans des quartiers déjà difficiles
  • Lancement de nouveaux programmes de rénovation urbaine en commençant par démolir des bâtiments HLM occupés, obligeant ainsi les organismes HLM à reloger en priorité ces familles et diminuant d’autant la possibilité de loger de nouvelles personnes ou familles modestes.

Le « rééquilibrage » des quartiers difficiles est sans doute nécessaire, et il se fait bien en construisant des HLM pour des seniors ou pour des ménages moins modestes dans ces quartiers, mais les nouvelles constructions pour les plus modestes sont repoussées aux communes éloignées de la ville centre. Il n’est pas certain que les communes de la périphérie de l’agglomération souhaitent accueillir les familles les plus modestes qui ont encore plus besoin que les autres des infrastructures de la ville centre.

Les incitations Pinel, rétablies à Angers en juillet 2019, se traduisent par des augmentations des prix de l’immobilier. Les loyers ont très fortement augmenté sur l’agglo.

Aujourd’hui, les ménages très modestes ou en difficulté sociale accèdent au logement HLM essentiellement par le « contingent préfectoral », c’est à dire les logements HLM dont l’attribution est réservée pour les services de l’état. Cela représente un peu moins de 25 % des attributions HLM chaque année. C’était déjà le cas avant, mais la forte diminution des attributions HLM rend de plus en plus difficile l’accès au logement de ces ménages.

Par ailleurs le fonctionnement de la commission de médiation, dans le cadre de la mise en œuvre du Droit Au Logement Opposable (DALO), n’a pas du tout été satisfaisant entre 2010 et 2020. Pendant cette période les réponses positives sont passées de 50% à moins de 30 %, et cela a découragé le recours à cette commission et à la mise en œuvre de ce droit (cf. l’article cité ci-dessus). Le renouvellement de la composition de la commission de médiation en 2020 a permis une nette augmentation de l’efficacité de cette instance, en ce qui concerne l’accès au logement, mais pas encore au niveau de l’accès à un hébergement.

Avec la pandémie, et malgré toutes les aides débloquées par l’état et le report de la trêve hivernale, il risque d’y avoir une explosion du nombre d’expulsions entre juin et octobre 2021.

Au niveau de l’hébergement : 

L’hébergement d’urgence (115) est complètement saturé, mais il faut souligner que depuis le début de la pandémie l’état a financé l’hébergement de toutes les familles sans abri et de presque toutes les personnes seules. Cela devrait se poursuivre jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire fixée pour le moment au 1er juin 2021.

Il faut souligner aussi le rôle de certains hôtels sollicités dans le cadre de la pandémie, comme le Formule 1 de Beaucouzé par exemple, qui est devenu un hébergement d’urgence avec un accueil de qualité et au début des distributions de repas assurées par le Secours Populaire et d’autres partenaires, ce qui malheureusement n’est plus le cas aujourd’hui. C’est à Ethic-Etapes, près du lac de Maine, que sont maintenant accueillies les familles

A cause de la pénurie de logements, les CHRS (centres d’hébergement et de réinsertion sociale), les CADA et les HUDA (dispositifs d’hébergement des demandeurs d’asile) ne trouvent que très difficilement des logements HLM pour reloger les personnes et familles qui seraient en capacité et en droit d’y accéder .

Les autres dispositifs de logement + accompagnement sont aussi saturés et les listes d’attente des différents dispositifs oscillent entre 6 mois et un an environ.

Le dispositif SIAO (système intégré d’accueil et orientation) qui oriente les demandeurs vers les différentes solutions d’hébergement et de logement accompagné est très engorgé, et la commission de médiation DALO dans son volet hébergement ne permet pas actuellement de trouver des solutions dans le respect des délais demandés par la loi DALO.

Pour libérer de la place dans les dispositifs destinés aux demandeurs d’asile, la solution la plus pratiquée est l’expulsion des familles qui n’ont pas obtenu un statut de réfugié. Après quelques semaines à l’hôtel, à la fin de la trêve hivernale, elles viendront se rajouter aux demandeurs du 115 et seront probablement à la rue.

Héberger et loger les personnes et familles les plus modestes ou sans domicile relève d’abord d’une volonté politique. Sera-t-elle au rendez-vous après le 1er juin à Angers ?